En 2011, la Société de Philosophie des Sciences de Gestion a publié pour sa naissance un cahier spécial dans la revue Management & Avenir 2011/3 (n° 43), : « Ouverture de perspectives épistémologiques et naissance d’une Société de Philosophie des Sciences de Gestion », Cahier coordonné par Yoann Bazin et Erwan Lamy.
En 2014, la profession de foi de la SPSG a été publiée dans la revue Society and Business Review : E. Lamy, Y. Bazin, L. Magne & B. Rappin, « Towards a philosophy of organisation sciences, Declaration of principles of the SPSG ».
Vous pouvez télécharger ici la version française de cette profession de foi. Le texte ci-dessous en résume les principaux aspects.
La réflexion épistémologique en sciences de gestion est riche de nombreux travaux stimulants, mais ils n’ont le plus souvent pour projet que de contribuer à la légitimation scientifique de ce champ disciplinaire. Cette ambition ne laisse aujourd’hui que peu de place au développement d’une véritable philosophie des sciences de gestion, dont le projet serait de mettre à l’épreuve – par un examen philosophique rigoureux – la pensée gestionnaire issue du monde académique.
Trop occupées à leur projet fondationnaliste, les réflexions conceptuelles sur les sciences de gestion ne sont plus tournées que vers elles-mêmes, négligeant trop souvent les apports de la philosophie des sciences. Elles sont ignorées en retour, et avec elles toutes les disciplines de ces domaines.
À cet isolement et cette introversion s’ajoute une dispersion des réflexions et des échanges. Il n’existe pas de lieu où pourraient se rencontrer les chercheurs qui souhaiteraient examiner les sciences de gestion à la lumière des enseignements de la philosophie des sciences, et où cette démarche pourrait être transmise et valorisée.
La société de philosophie des sciences de gestion a pour ambition d’apporter un début de réponse à cette situation, tant sur le plan de l’avancement des idées que sur celui des conditions institutionnelles de leur développement.
Elle a pour projet d’ouvrir la réflexion conceptuelle sur les sciences de gestion et d’encourager leur examen critique par le déploiement d’une pensée philosophique rigoureuse et méthodique, à l’écoute de l’ensemble des courants qui composent aujourd’hui le paysage de la philosophie des sciences.
Cette application de la méthode philosophique aux sciences de gestion doit être entendue dans son unité comme dans sa pluralité.
Dans son unité, en rappelant le lien de cette méthode à la démarche de problématisation, son attachement à la rigueur des raisonnements, et sa visée de clarification conceptuelle. On ne peut en effet détacher la méthode philosophique du questionnement qui amène à déceler et à poser, derrière l’apparente vérité des affirmations ou l’évidence de la question intuitive, un obstacle, une tension, voire une aporie, à l’origine d’une stratégie de recherche. La méthode philosophique repose également sur la réflexion, ce qui s’entend tout d’abord par l’art du « raisonner juste » et de l’organisation cohérente des arguments. Elle insiste en outre sur le travail de clarification des concepts abordés, en portant attention à la mobilité de ces concepts dans l’histoire de la pensée, à leur polysémie et à leur dynamique.
La « méthode philosophique » au sens où nous l‘entendons ici n’est donc absolument pas réductible à un ensemble fixe de règles rigides applicables directement à un problème donné (une telle « méthode » n’existe pas, ni en philosophie, ni en science, ni ailleurs). Il s’agit plus d’un ensemble de démarches intellectuelles partageant un air de famille que dessinent quelques grands traits : doute, rigueur et clarification. Il s’agit donc notamment de ne pas se laisser prendre par la tentation du verbe, de ne pas sacrifier le fond au style (ce qui n’est pas non plus un appel à l’assèchement de la langue philosophique).
La méthode philosophique que la société de philosophie des sciences de gestion entend appliquer aux questions gestionnaires doit également être entendue dans sa pluralité, car il s’agit de n’exclure a priori aucune des méthodes qui font la richesse de la philosophie : méthode socratique, méthode sceptique, méthode cartésienne, méthode critique, méthode phénoménologique, méthode pragmatique, méthode analytique… jusque, pourquoi pas, aux développements méthodologiques les plus récents de la philosophie des sciences, avec par exemple l’introduction d’une démarche expérimentale.
C’est donc par l’application de cette idée de la méthode philosophique que la société de philosophie des sciences de gestion entend encourager l’examen de toutes les questions qu’une véritable philosophie des sciences peut soulever : qu’est-ce qu’une théorie en sciences de gestion ? Quelle est la place des modèles ? Quel(s) sens donner aux concepts qui y sont développés ? Comment s’y forment les connaissances ?…
La société de philosophie des sciences de gestion entend offrir les conditions de développement de ce programme en constituant un espace ouvert et pluraliste où pourront se rencontrer et échanger les doctorants, les chercheurs et les enseignants chercheurs préoccupés par ces questions, et où pourront s’exprimer les antagonismes et les controverses entre les différents courants. Inscrite de plain-pied dans les sciences de gestion, la société de philosophie des sciences de gestion entend en devenir le principal outil de réflexivité.